vendredi 1 juillet 2022

L'amant de sable

(vidéo en regard du texte)

C’était l’été dans les draps. Je n’ai jamais voulu tomber amoureuse, ou peut-être que si.

Dans mon crâne un mur disait ça n’a aucun sens, l’amour, aucun sens, et je disais moi, parlant comme le mur, tomber en amour ne signifie rien, à part des choses imaginaires qu’on peint sur le visage de l’autre. En transparence de mon dire, il y avait pourtant une envie, un sous-texte, le tremblement d’un vouloir, surtout traverser le rideau des habitudes.

On marchait. Sur la plaine neigeuse on marchait, sous le blanc le bitume n’était plus que la trace d’un passé sensible, à peine si on pouvait le toucher, à peine si on pouvait y croire. On marchait. Le monde tournait autour de nous. Ta bouche plissait tes yeux qui me tâtaient le ventre comme on aurait dit d’un agneau qu’on va abattre. J’ai clignoté longtemps, j’ai voulu prendre tes cils entre mes dents et tirer, mais je ne l’ai pas fait.

Il faisait chaud dans la mansarde et les oiseaux criaillaient au dehors. Tu m’as dit viens sortons, et je suis sortie. Tu m’a dit marche, et j’ai marché. Je n’ai fait que suivre la trace de toi, ce qui pleuvait de ton ombre, ce qui se déposait d’images en moi pendant que tu parlais. J’avais la claire conscience de ce qui resterait de toi en moi, après : une flaque.

Quand les gens s’absentent ils disparaissent ou meurent, cela dépend de l’affection qu’on leur porte.

Ce n’était pas un reflet, un mirage. C’était de l’eau c’est vrai, des battements de portes et de cœurs

et le bruit que fait une respiration sous la surface.

Tu tremblais dans mes bras parce que tu jouissais trop fort, je ne savais pas te poser au fond de l’eau pour t’apaiser, je ne savais pas comment faire, je ne savais pas défaire, ce que nous avions fait.

La chose dont je ne voulais pas avait pris trop d’ampleur et bruissait au vent comme un cageot d’ouragans. Nous ne pouvions pas mieux tomber qu’au fond d’une flaque. Et pourtant le vent poursuivait ses efforts pour nous pousser au bout du lit. Au bout du lit il y a un couloir qu’empruntent parfois les amants quand ils veulent en finir. C’est sombre et odorant ce couloir, on y fait sécher aussi des tisanes, en plus des corps décharnés de ceux qui se sont trop aimés. Tu tremblais encore dans le vent, tu tremblais dans l’eau, tu tremblais sous la pluie, tu devenais matière organique déshydratée ou de la poussière d’images, tu te déposais en moi en mille fragments comme du sable. Tu devenais mon petit tas de sable intérieur, et j’étais rouge ; au dehors.

Et puis, il y a eu le matin. Et puis tu es parti, avec une feuille morte.

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