dimanche 11 novembre 2018

Nos vies autres

Les vies que j'aurais voulu vivre sont là,
Au pied du debout
Dans la flaque
Près de la main
Dans la poche
Elles battent comme un œuf chaud
Sous la surface
Liquide
Du temps.
Légères
Fatiguées
Se posent ensemble
Sur le corps usé d'un lampadaire
À Paris
Au replat octogonal
D'une tour new-yorkaise
Dans le sombre pavage d'une ruelle
de Bombay
Au Cap Vert.
Elles sentent les gaz d'échappement
Et la sauvagerie des espaces crus
Ressemblent à des agneaux
A peine nés
Déjà émancipés
Sans voix.

Les vies que je n'ai pas vécues
Ont des odeurs d'épices
Que personne ne connaît
Elles trempent
Au fond d'une fontaine
Dans les limons d'un lac
Avec des animaux marins
Comme elles invisibles
Et fantastiques
Elles nagent
Et se demandent
Si de sirènes un jour
Deviendront
Femmes libres.

Nos vies autres
Sont toutes mouillées
Et poilues.

Laineuses, exactement.

Ce sont des brebis noyées.

Dans leurs doux langages qui bêlent
Elles nous intiment de vivre
Non pas comme des avions qui cherchent à s'envoler
Mais comme des krills tranquilles nourrissant souriantes 
Les baleines de nos quotidiens.
De vivre
En pensant que les vies vécues
Sont tout aussi poilues 
Et mouillées
Comme des épaules qui marchent
Comme des bateaux qui tissent
Une grande nappe de mer brodée.

Alors cheminons - étoiles sur les toits
En écrivant de temps en temps aux brebis du dessous
Pour leur dire combien leur poésie traverse
La nappe du quotidien
Et coule sur nos ordinaires.

Sans leurs sœurs subaquatiques
Nos vies
Seraient toutes épilées
Nues desséchées
Comme un désert d'herbe rase et qui a soif
Une famine de brebis.

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