vendredi 24 février 2012

#Vendredi lecture : Antonio Lobo Antunes

Vous avez déjà lu quelque chose d'Antonio Lobo Antunes ? 
Si non, dépêchez vous de le faire, c'est une expérience hors du commun.
Si oui, vous savez donc ce que c'est de vous demander parfois combien de personnages pensent et parlent dans une seule et même phrase. Vous connaissez cette incroyable capacité à écrire dans un unique élan, dans un seul souffle, des souvenirs, les détails du présent, des désirs et des sentiments. Tout est emmêlé et pourtant limpide.
Car Antonio Lobo Antunes sait faire quelque chose d'extraordinaire : écrire au rythme des pensées. Il ne s'agit même pas de style, c'est beaucoup plus que ça. C'est mettre en mots le rythme et le cheminement de la vie qui foisonne. Parfois, c'est un tableau impressionniste où se mêlent l'intérieur et l'extérieur, le passé et le présent, le même et l'autre. Très vite, vous êtes emporté par le tourbillon, sorte de course aux mots, dont vous ressortez essoufflé, secoué et heureux. Une expérience de lecture plus qu'inhabituelle.

Dans Traité des Passions de l’Âme, il raconte l'histoire magnifique de deux amis d'enfance qui se retrouvent, adultes : l'un est membre d'une organisation terroriste et l'autre Juge d'instruction.

Deux petits extraits, juste pour le plaisir : 
- p. 23 : "Cela s'était sûrement passé comme cela, cela se passait toujours comme cela, et pour finir la poignée de main du religieux en guise d'adieu, Soyez tranquilles le contact vous fera signe, que chacun se terre tranquillement dans sa tanière, vous aurez certainement de mes nouvelles la semaine prochaine, et sur ces entrefaites la femme du fermier a appelé son fils dans la roseraie, Zé, viens ici un petit instant, Zé, et le Juge d’instruction, sourd, tapotait la pointe de son stylo bille sur son pouce, et il a soulevé un des téléphones sur la petite table à côté de lui, Prévenez ma légitime que je ne sais pas à quelle heure je rentrerai aujourd'hui."
- p. 184 : "La sœur du fils du fermier, nue, pêchait une jupe et un corsage dans une valise de vêtements, et les muscles de ses bras glissaient sous sa peau avec des ondulations d'oiseaux qui dansent. Le soleil caressait sa nuque et ses épaules, ses fesses s'ouvraient en un tendre et doux éventail, des pigeons couleur faïence ont atterri à deux pas au sommet de la treille, une grappe de guêpes bourdonnait dans un trou dans le mur et l'Homme enviait à mort l'amoureux de la sœur du Juge d'instruction, apprenti plombier, avec un grain de beauté sur la tempe, qui se faisait tout petit devant le fermier avec une timidité craintive."
Traité des Passions de l’Âme, Antonio Lobo Antunes, Points, 1990.

En 1997, j'ai fait un voyage solitaire dans le Sud de la France. J'avais 19 ans et des velléités d'écriture en prose. A cette occasion, je suis allée voir un ami de mes parents, écrivain, qui m'a conseillé de lire Lobo Antunes. Je me souviens exactement qu'il a dit "c'est ce que j'ai lu de plus nouveau et de plus différent ces derniers temps". Je l'ai lu beaucoup plus tard. Mais pour moi, c'est toujours vrai.

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