mardi 16 mars 2021

Semainier #10 Deux ans après, ce qui a changé ou pas


A nouveau, journal.

Plus d’un an sans écriture sur le blog. Presque deux ans d’interruption du journal. C’est beaucoup.

Le temps a filé mais personne ne sait vraiment où.

14 mars, j’écris : "conjonction de trois choses ou menus événements : lecture de la lettre « Rien que du bruit » de Philippe Castelneau qui évoque son journal d’écriture / ne plus écrire parce que je suis accaparée par les travaux qui ont trait à la publication concomitante de mes deux premiers livres (un roman chez Publie.net et un ensemble de textes de poésie en prose chez Gros Textes) – comme pour les jumeaux on ne saura jamais quel est véritablement le premier, alors même qu’ils sont très différents / parution d'un article « méthodo » de François Bon sur Patreon."

Et voilà que je recommence à croire en la possibilité d’un journal d’écriture. J’ai tellement à dire à propos de ce qui arrive en ce moment, et à la fois tellement peu de temps pour le dire, et même pour le penser…

Je suis irrégulière. Je fais un métier instable. J’ai un volume de boulot irrégulier. Je dois être au fond, un peu instable, et je ne rêve que de routines. J’installe des routines strictes, par moments, qui ne durent jamais. On dirait que j’ai besoin de l’instabilité autant que de la routine. J’aimerais que la vie soit un long fleuve très calme, qui s’écoule sans à-coups.

Et pourtant, je construis sans arrêt des barrages.

En ce moment, je finis de relire la première épreuve de Lent séisme, mon roman à paraître chez Publie.net. Le roman est fini d’écrire (écrit ?) depuis un certain temps, mais le travail de finalisation dépasse de loin, en durée, tout ce que j’aurais pu imaginer avant d’y travailler. C’est un travail d’endurance, qui consiste à se replonger dans un texte qui est déjà devenu ancien. De cela Guillaume Vissac parle très précisément ici, dans le Carnet de Bord de la maison d'édition. Parfois, j’en ai marre, de ce retour à l'ancien. Une partie de moi ne veut pas relire, par crainte de détester le texte. Alors je relis Lent séisme à l’envers, depuis la fin en direction du début, pour traquer les coquilles et vérifier la mise en page sans me laisser assaillir par des questions sur la narration.

J’ai un autre roman, qui est bien avancé. Parfois, je pense qu’il est fini. Terminé. Mais plus je laisse du temps s’écouler entre le moment, passé, de son écriture et ma position qui s’éloigne dans le présent, plus je lis d’autres romans dont le projet me semble s’approcher de celui que je portais initialement, pour mon roman – autrement dit, du roman dont je rêve – plus je me dis qu’il n’est pas fini, qu’il est trop imparfait, qui lui manque vraiment trop de choses pour que je le laisse partir comme ça. Et à l’idée de ce qu’il faudrait faire pour qu'il s'approche un peu plus de ce dont je rêve, j’ai de nouveau cette sensation de vertige depuis le sol, de pied-du-mur dont j’ai déjà parlé ici* et là**. Le vertige depuis le sol, j’ai appris à le surmonter avec Lent séisme, c’est-à-dire à dépasser la crainte de ne jamais y arriver pour parvenir à me mettre au boulot, pied-à-pied avec le mur, et finir par le franchir. Mais là, il se passe autre chose. Je désire écrire du neuf. J’ai une grande hâte intérieure d’écrire un autre roman dont le flux s’avance dans ma tête. Ses eaux, fraîches, neuves, revigorantes, sont en train de s’accumuler derrière le barrage constitué par la finalisation puis le travail autour de la diffusion des deux livres à paraître et la réflexion sur le deuxième roman, achevé ou pas.


Me voilà en train de taper une recherche sur le web avec les mots clés "lâcher d’eau barrage", histoire de voir concrètement comment ça peut se passer… Hum. Ça fait un peu peur. Lorsque l’eau accumulée en amont du barrage est lâchée d’un coup, elle forme un énorme panache blanc. Cette image n’a rien à voir avec la sorte de lent labeur que représente l’écriture d’un roman. Pas même avec le début. Sauf à l’imaginer comme un jaillissement, une débauche d’énergie finalement assez inutile. Un gâchis. Voire un ravage. 

Bon. Tout bien considéré, peut-être que le retour au journal qui a lieu ici et maintenant correspond à une petite percée dans le barrage, une perforation de taille modeste dans ce qui retient l’écriture, pour éviter que la pression ne soit trop importante au moment du lâcher d’eau. 

Pour éviter le ravage de la poussée trop forte.

Alors il va falloir en percer des trous, un peu partout dans le barrage. 

 

***

 

PS : Compte tenu du caractère répétitif et involontaire des métaphores conjuguant l'eau et le dénivelé dans ce journal, j'ai jugé utile de glisser ci-dessous les citations de mes anciens billets de blog

 * 26 avril 2019 - "Mais devenir auteure, autrice, supporter ce pesant bagage, la grosse valise pleine de mes empêchements. Une image pour dire ? Prenez une chute d'eau. Regardez ce qui se passe en bas, là où l'eau choit en masse puissante. Vous voyez cette espèce de tourbillon vertical très dangereux dont vous croyez sans cesse sortir mais non, vous replongez tout au fond ? Et bien c'est à cet endroit précis que je me trouve. A chaque fois que je me crois sortie des doutes et questionnements qui m'entravent, qui m'empêchent de dire "oui oui, c'est moi, j'écris, oui, je cherche, un peu..." et "oui oui, je vais y consacrer plus de temps, aller au bout d'un texte, l'envoyer à un éditeur, essayer de faire quelque chose avec ça.... et bien là, même là maintenant au moment d'écrire cela, je suis emportée vers le fond, le courant plus fort que toutes mes espérances, la masse d'eau qui dit "quoi !? mais quelle prétention, quel orgueil ! Non mais... pour qui elle se prend !!?? [...]"

** 12 mai 2019 - "Quand vient le moment d’attraper le texte dans son ensemble, de le secouer, d'en questionner l’agencement, ce qui vient avant ce qui vient après... Je me trouve au pied d’un haut mur avec un sentiment de noyade. Imaginez que vous êtes devant un grand mur lisse, voire un peu visqueux du fait de ce qui a pu pousser le long du mur, du fait de la présence continue de l’eau, et que vous êtes supposé.e grimper le long de ce mur. Il n’y a aucune prise, de là où vous êtes vous ne voyez aucune d’alternative..."



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