Aujourd’hui
j’avais décidé,
Ou plutôt devrais-je dire “j’avais décidé pour moi
aujourd’hui”,
Ou encore “le moi d’hier avait décidé pour celui
d’aujourd’hui”...
Bref, il était convenu avec mon agenda et une part jamais unanime
de moi-même, que je devais travailler jusqu’à 15h, ensuite
écrire. Et retravailler vers 17h.
Cela vient d’un constat : mes temps d’écriture durent
souvent 1h30 à 2h, ensuite il y a comme un tarissement de la source.
Il faut attendre, laisser passer du temps, faire autre chose, et
revenir à l’écriture, revenir à l’écrire. Quelque chose doit
se reconstituer avant de pouvoir à nouveau écrire.
L’envie, le
désir, le courage.
J’écris ici maintenant parce que mon ventre est un peu noué
par des questions que me posent le travail, et qui ne sont pas
solubles dans l’écriture. J’écris ici parce que les questions
se chevauchent dans ma tête, sur ma tête, comme mes cheveux les
boucles posées n’importe comment sur mon crâne, que je
tri-cote-pote.
Hier soir, par exemple, j’ai repris un texte un peu long sur lequel
j’ai eu, il y a peu, un retour encourageant, ce qui me pousse à me
remettre à l’ouvrage. J’ai repris ce texte en le regardant
globalement, en cherchant comment agencer mieux les chapitres (tiens
c’est drôle, j’avais écrit agender à la place d’agencer,
lapsus qui désigne la décision prise par un moi autre que celui du
présent*...) - que réécrire, ajouter, retirer ? Pour moi cette étape du travail est pire que tout. En tout cas, sur ce texte là. En tout cas, maintenant. C’est beaucoup plus simple de suivre le
fil fragmentaire qui me fait écrire, texte après texte, sans poser
de questions. Quand vient le moment d’attraper le texte dans son
ensemble, de le secouer, d'en questionner l’agencement, ce qui vient
avant ce qui vient après... Je me trouve au pied d’un haut mur
avec un sentiment de noyade.
Imaginez que vous êtes devant un grand mur lisse, voire un peu
visqueux du fait de ce qui a pu pousser le long du mur, du fait de la
présence continue de l’eau, et que vous êtes supposé.e grimper le long de
ce mur. Il n’y a aucune prise, de là où vous êtes vous ne
voyez aucune d’alternative...
BIM ! Ici ceux qui suivent remarqueront que revient une
précédente métaphore, celle du tourbillon au pied de la chute
d’eau. Drôle de voir arriver une autre métaphore aquatique avec sensation de noyade et de hauteur. Curieux motif pour l'écriture. "Faudra que j’en
cause à l’Homme au Divan", comme dirait Sophie Jaussi.
*Et BIM ! Je reviens sur agender. Est-ce qu’il ne s’agit
pas simplement de cela ? Plutôt que vouloir grimper le mur
lisse ; écrire, et prévoir qu’un autre moi, un jour ou
un autre, va ré-agencer. Agender l’agencement à d’autres
calendes, en somme. Reporter les remaniements. Écrire sans
tergiverser. Tergi – verser (l’eau, du haut de la chute). C’est
moi qui jette l’eau d’en haut, et c’est encore moi qui me noie
au pied du mur, comme l’Artalbur de Pierre Barrault qui se fait
écraser par le bus à l’arrière duquel il se trouve. Le
dédoublement est sans doute le meilleur moyen de tourner le dos et
de fuir, selon l’étymologie de tergiverser.
On est toujours seul avec ses sois quand on écrit. Aujourd’hui
ils sont plus bruyants que d’habitude.
Je suis venue ici pour les faire (parler)
taire.
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