lundi 26 février 2018

Un mot pour contenir le monde ?


Dans villégiature il y a
Des ciels bleus des piscines pareilles
Des voitures qui brillent
Et des tuiles rouges
Des champs de blé qui poudroient
Des robes noires pour soirées bleues
Des routes qui tournent
Et des virages qui s'émerveillent

Dans villégiature il y a
Des oripeaux de richesse
Et des lumières qui scintillent
Le strass triste des starlettes
Et des regards qui s'ébêtent

Dans villégiature il y a
Des poudres blanches
Qui font s'envoler le monde
Des colliers précieux
Des vernis qui luisent
Et des désirs qui s'amenuisent

Dans villégiature il y a
Des misères à fuir
Et des tristesses à azurer
Des yachts tonitruant
Des relents de paradis fiscaux
Des flûtes à bulles
Et des smokings pas très charmants

Il y a surtout la solitude
Et le bruit mat
Du sang qui bat aux tempes
De celui qui danse
De celui qui dort sous un banc

mercredi 14 février 2018

Le temps a un goût de tragédie

Avant toi
Plus tard
Quand on était petit
Après la pluie


Le jour de la mort de J.
Au moment de se coucher
La veille
Vers la Saint Glin-Glin
Aujourd’hui
Lorsqu’elle est entrée
Souvent
Quand tu seras grand

Avant toi
Plus tard
Quand on était petit
Après la pluie

Au milieu de la conversation
La semaine dernière
Le lendemain de l’accident
Au calendes grecques
Quand on a su pour les tours
La première fois
Après la sieste
Au coucher du soleil
Aux Saints de Glace
Auparavant
Peu après la fin de l’averse de grêle
Demain
Avant, encore avant

Avant toi
Plus tard
Quand on était petit
Après la pluie

Vers six heures
A l’instant critique
Quand nous étions à Berlin
Ensuite
Depuis longtemps
Le jour de son enterrement
Une fois par an
Tous les trente-six du mois
A l'heure où blanchit...

Avant toi
Plus tard
Quand on était petit
Après la pluie

Aussitôt
A Noël dernier
Le jour de la photo
Tout à coup
Jusque là
Quand on sera vieux
Souvent
A Pâques ou à la Trinité
Quand la neige a fini par fondre
Hier

Avant toi
Plus tard
Quand on était petit
Après la pluie

Au moment suprême
Lorsque le vent retombe
D’abord
Le soir des attentats
Quand les poules auront des dents
Le 12 aôut 2007
Longtemps après

Avant toi
Plus tard
Quand on était petit
Après la pluie




lundi 12 février 2018

Seul enfin

Et si seul enfin,
On pouvait gratter,
cheminer, mûrir,
Comme sur l’arbre lourd
Un abricotier
Peuplé des multitudes
Chacun solitaire
Attendant soleils
Et printemps verts
Marée
Marmelade.



Seul enfin j’ai faim. Est-ce qu’il fait faim aussi dans le ventre des autres. Comment la faim est-elle arrivée dans nos ventres. Comment la faim nous fait penser en rond. Quel est le rapport de la faim avec le monde.
Seul enfin je pense en boucle, en lacets de chaussures, j’hypothétise défrise les boucles qui tissent, entre langage et monde, un grand tissu gris. Je ne pense pas, non je ne pense pas j’écris - dans ma tête au moins - en larges boucles, pleins et déliés, plein de gens reliés, par la voix silencieuse d'une écriture de tête ; une écriture de cerveau qui frime et crâne dans l'inhabité, c'est libre et astringent à la fois, ça repose et ça grimace, ça fait grincer et dormir.
Enfin seul c’est doux limpide imprudent, surtout les lacets défaits. Marcher dessus et tomber mal, pas besoin des autres pour se faire mal.
Enfin seul cesser de chercher l’œil de l’autre, l’œil du loup, l’autre loup de l’homme, loup de la meute, qui rit et mange en meute. Les loups ont-ils un lieu de solitude ? L’écrivant : au lieu des autres. Réapprendre à faire ses lacets, sans quoi tomber sur les dents de devant, quelque soit l’âge ça fait très mal.
Enfin seul. Est-ce que Christophe Colomb s’est senti seul sur sa caravelle, l'envie d'un lieu de solitude où écrire dans sa tête pleine d’eau salée, de mirages d’îles enchanteresses emplies d’épices et de trésors indiens, le mirage ordinaire qui l’a fait débarquer là où il ne croyait pas. Et tomber sur les dents de devant du peut-être ?
Est-ce que la solitude nous fait mirage. Les autres ramènent la réalité sur leurs dos voûtés. Est-ce que l’univers brusque nos solitudes. Comment vivre sans tomber sur les dents du monde ?
Enfin seul déployer sur le papyrus de mon crâne les hiéroglyphes du mirage, les ondes de la tectonique intérieure. Ça n’est pas prudent de rester seul trop longtemps, à la fin on ne saurait plus faire ses lacets ; mettre ses chaussures c'est enfiler le monde à ses pieds pour ne plus tomber. Alors marcher prudemment, tracer des lettres petites et voir si luit le regard d'un loup.

dimanche 4 février 2018

Évider

J’évide je fais le vide.
Évider un poisson pour le manger sans son intérieur.
Évider, c’est toujours prendre l’intérieur.

Le pochoir qu’on évide pour laisser passer la couleur.
Alors le vide devient le dessin.

Évider, c’est pas mal. Ça fait moins.


Et si j’évidais ma vie ? Je pourrais lui enlever l’intérieur…

Est-ce que l’intérieur de ma vie, c’est ma vie intérieure ?

Dans ce cas, NON.

Mais si on pouvait évider la vie du superflu ? … Enlever les viscères de la vie ?

Pfff… Reprenons.

Un. Le poisson. Ses viscères.
Deux. Le pochoir. Le morceau de carton.
Trois. La vie. Les nouvelles idiotes sur les téléphones. Les chiens écrasés...

Aussi les hérissons ? Ah ben non pas les hérissons, c’est joli les hérissons.
Les hérissons écrasés, pas tellement.

Bon, d’accord : on garde les hérissons.

Continuons. Évidons, évidons :
Les conversations banales (pas toutes, certaines sont sympathiques)
Les conversation fausses.
Les phrases qui tombent à plat (ventre).
Les choses qu’on attend que l’autre dise et qu’il ne dit pas. Et à la place il dit une grosse bêtise.

Évider la vie de ce qui n’est pas soi.

Revenons au pochoir. Ce qu’on enlève c’est ce qui dessine, en creux, ce que va être le dessin.

Alors pour la vie, il faut quand même faire attention. Quand on évide : penser à ce qui va rester, quelle forme de vie ça va donner.

Parce qu’avec un poisson sans viscères, pour peu qu’on ait un barbecue, on n’est pas mal.


Mais avec une vie mal évidée, ou pire, une vie éviscérée, on fait quoi au juste ? 

jeudi 1 février 2018

Tuer le bonheur dans l’œuf
Le blanc le jaune
Casser gober

Tuer le bonheur dans l’œuf
Avec un surmoi de samouraï
Une frénésie de violoniste

Tuer le bonheur dans l’œuf
Par l’aiguillon de la colère
Taquiner transpercer laisser couler
La sève

Tuer le bonheur dans l’œuf
Avant même qu’il ait pu bouger
Détruire jusqu’à l’embryon
La moindre velléité de joie

Tuer le bonheur dans l’œuf
N’en surtout rien laisser
Écraser aussi le désir
Sous quelques paroles réconfortantes

Servir le tout
En omelette

Baveuse