mardi 27 avril 2021

Semainier #13 Condenser les rêves, la chute de Marylin et des affaires de temps

L’étape des mailings à propos des livres est derrière moi. C’était un passage important qui m’a demandé pas mal d’énergie, un travail intérieur. J’ai pris une semaine de vacances qui m’a permis de me rendre compte que j’étais vraiment épuisée. J’ai recommencé à travailler hier, sans parvenir à consacrer du temps à l’écriture, juste finalisé les envois des X tentatives. Cette semaine, j’ai planifié les temps d’écriture le matin, en pensant que je serais plus efficace. Jusqu’ici, je prévoyais de travailler le matin, d’écrire l’après-midi. Or, souvent, le travail du matin déborde sur l’après-midi, et je ne me mets réellement à l’écriture que tard dans la journée.

Ce matin, j’avais mis mon réveil très tôt pour voir si la Super Lune était visible, mais elle était dans les Super Nuages. J’ai donc repoussé le réveil. J’avais prévu d’aller courir, mais j’ai préféré repousser encore. Je me suis finalement levée deux heures plus tard que prévu. Je crois que je repousse plus facilement le réveil quand j’ai prévu d’écrire. Comme si les instants de demi-sommeil  appartenaient déjà à l’écriture. Ces deux heures ont été pleines de rêves de toutes sortes, j’y ai croisé plein de gens, j’en ai attendu certains, qui ne sont pas revenus. C’est souvent comme ça : je rêve sur le matin. Les rares fois où je parviens à dormir « sur le matin », je rêve intensément. Sur le matin, c’est une jolie expression, j’ai envie d’écrire à propos des rêves. Parce que c’est une matière tellement impossible à attraper. Mes rêves me parlent dans une langue qui n’existe pas. Toute tentative de les mettre en mot les fait s’évanouir, comme un courant d’air fait disparaître un nuage de buée très fine. Il faudrait trouver un moyen de condenser les rêves, une vitre froide sur laquelle le nuage de buée viendrait, sitôt émis, se déposer et former un drôle de dessin. On pourrait alors lire le rêve sur la vitre, ou même dessiner dedans avec son doigt. Mais serait-ce vraiment plus simple, de cette façon, de raconter le rêve ?

Pour revenir à l’équilibre travail / écriture : c’est toujours étrange de distinguer par ces mots deux choses qui appartiennent en réalité au registre du travail. C'est comme si l’écriture n’était pas un travail. Alors que désormais, avec le travail éditorial et le travail de promotion des livres, il y a d’autres formes de travail qui prennent de la place, du temps, une énergie que je ne consacre pas à l’écriture. Or ces activités s’inscrivent, dans mon agenda, dans les temps consacrés à l’écriture. Pour compliquer le tout, dans mon temps de travail (rémunéré j’entends) je consacre de plus en plus de temps à l’écriture. L’écriture de mon travail, le développement sur la page de mes réflexions sur mes activités de travail m’aide à prendre des décisions, à inventer des dispositifs, à répondre aux demandes de mes clients d’une manière qui leur convienne et me convienne. Autrement dit, dans le travail, l’écriture ouvre un espace qui me permet de faite la netteté sur mon désir. Et de garder vivant ce qui est important pour moi dans ce travail. Par ailleurs, les activités comme les ateliers d’écriture ou les formations autour de l’écriture font partie de mon activité professionnelle, rémunérée. Les deux espaces à distinguer seraient plutôt : d’une part, ce que je fais pour gagner de l’argent ou pour promouvoir mon activité d’écriture, mon statut d’autrice et d’animatrice d’ateliers d’écriture ; d’autre part, le temps véritablement consacré à la création. L’écriture de ce journal est un entre-deux, un point de passage entre ces deux espaces. Et puis la création se passe à n’importe quel moment, en dormant, en rêvant, en faisant à manger, en marchant… Autant de moments qui ne peuvent pas être inscrits dans l’agenda. Bon. Il faut bien reconnaître que j’ai une petite obsession avec l’agenda. Inscrire frénétiquement les choses dans l’agenda me tient dans l’illusion de maîtriser non seulement le temps, mais de maîtriser aussi cette force insaisissable qui fait que parfois j’écris un poème au lieu de cuisiner, ou que je vais lire mes mails de travail au moment où j’ai prévu d’écrire. Il y a un caractère incoercible, proprement ingérable, inagendable, de l’activité humaine ; je crois qu’on la nomme parfois procrastination, parfois improvisation, ou même sérendipité…

… pendant ce temps-là, je m’aperçois, non sans une pensée pour Anne Savelli, que mon poster de Marylin par Bert Stein ne tient plus au mur depuis que j’ai réagencé mon bureau : il va falloir que je trouve une solution pour le raccrocher…