jeudi 31 mars 2011

C'est quoi ma littérature d'aujourd'hui ?

C'est ce billet de Paumadou qui m'a donné envie d'écrire sur cette vaste question. J'ai déjà dit ce que je pensais de Houellebecq, et je maintiens qu'il est sûrement très représentatif. Mais il n'est pas le seul.

Tour d'horizon de mes dernières lectures "contemporaines" et françaises* et tentative de "globalisation" :
Il y a Nancy Huston, que j'adore, et qui parle terriblement bien des femmes d'aujourd'hui dans son dernier roman, Infrarouge. Finalement, on y retrouve le parallèle entre l'art (la peinture surtout) et la vie, très présent dans le dernier Houellebecq.
Il y a Sylvie Germain, dont j'ai peu apprécié le fameux Magnus. Un jour j'écrirai ma lassitude et parfois même ma colère devant tout ces livres qui exploitent la seconde guerre mondiale comme ressort romanesque ultime. Je trouve ça facile et un peu écœurant, à force.
Il y a Véronique Ovaldé, dont j'aime la très jolie -et très poétique- écriture. Ses bouquins ne cassent pas des briques, mais on y trouve quand même un univers très particulier, de belles idées folles et un vrai sens de l'introspection.
Dans le même genre, un poil moins récent, il y a Jean Echenoz, dont je n'ai lu que Les Grandes Blondes mais que j'ai trouvé très fort. Là encore : une histoire, des personnages, un monde tout entier, dans lequel on se love avec un immense plaisir. C'est très inattendu comme écriture, et plein de subtilité. Une des plus belles découvertes de l'année dernière.
Et aussi, bien sûr, Philippe Claudel, dont l'excellent Rapport de Brodeck m'a laissée pantoise et m'a empêchée d'apprécier ses autres romans. Dommage, j'ai pensé que j'allais aimer Les Ames Grises, mais non, en fait. Glauque à l'excès.
Il y a encore Claudie Gallay avec ses belles Déferlantes, un peu longuettes, un peu fillette... J'ai préféré Dans l'or du temps, un roman qui croise histoire littéraire (Breton chez les Indiens Hopi) et histoire singulière (un de nos contemporains se sépare sur fond de vacances en Normandie). Chouette roman sur les rencontres inattendues et les affinités circonstanciées.
Et enfin, cerise sur le gâteau, il y a Marie Ndiaye. Après m'être longuement émerveillée devant son court roman Un temps de saison, où le fantastique est au détour de chaque page, je m'attaque désormais à Trois Femmes Puissantes. Alors j'en dirai d'avantage très bientôt.

Et puis il y a ceux que je ne lis plus. Il y a dix ans, si on m'avait demandé quel auteur je citerais en premier pour parler de littérature contemporaine, j'aurais dit Philippe Djian. Parce que j'étais complètement fan et qu'il disait sur la littérature des choses qui me parlaient (Entre nous soit dit, 1996 - ouais ok ça fait 15 ans, oh ça va !). Ben voilà, son dernier livre, Impardonnable, m'est tombé des mains, et sa série Doggy Bag m'a un peu gonflée. Surtout le parti pris de dire, en gros : puisqu'il faut que la littérature concurrence la télévision, autant faire une série, voilà. Beuh. J'avais trouvé ça tellement médiocre, surtout venant du rebelle des années 80, de l'auteur de 37,2 le matin, celui qui osait le premier écrire comme on parle.
Et j'ai essayé de relire du Le Clézio (j'avais bien aimé certains trucs quand j'étais ado) mais j'ai pas du tout accroché : j'ai trouvé ça pompeux et pompant, ronflant et peut-être trop "classique".


Bref, après ce racontage de "ma vie dans les livres", essayons de généraliser un peu : selon moi, ce qui caractérise ma littérature contemporaine (celle que j'affectionne), c'est le mélange des genres, la confusion, et la légèreté (qui n'est pas synonyme d'inconsistance mais de finesse). L'irruption du polar, du mystère, voire du fantastique, là où on les attend pas, les plongées oniriques au détour des drames psychologiques, l'enchevêtrement de la pensée sur l'art et la quête du sens de la vie, l'introspection mêlée d'humour. Il y a dans tout ça un côté "grand bazar" et beaucoup de subjectivité qui font que chaque roman est un monde à part entière. Il est donc difficile d'y voir un courant littéraire, si ce n'est dans cet aspect PatchWork/Tout est possible. Télérama a eu beau causer, en septembre dernier, des derniers romans de Houllebecq / Despentes / Ravalec en faisant un parallèle avec leurs autres sorties du début des années 90, je n'en ai lu qu'un sur les trois. C'est dire si la vie m'accapare...

Alors après cette brève tentative de réflexion, j'en viens quand même à citer des gens qui sont très présents sur la scène médiatique, et qui pour autant n'ont manifestement pas grand chose à dire sur la littérature, voire qui produisent une bouillie informe qu'un peu plus tôt dans l'Histoire on appellait littérature féminine (Brrrrrr.... un frisson me parcours l'échine... Danièle Steel est de retour ! Mince, ma grand mère est morte). J'ai nommé Anna Gavalda, Marc Lévy (ne pas confondre avec Primo, comme l'a fait, dans son CV une fille que j'ai reçue récemment pour une embauche -autant vous dire que j'ai eu beaucoup de mal à terminer l'entretien quand je suis tombée là-dessus, arf !) et un troisième dont le nom m'échappe mais qui aime aussi beaucoup se faire prendre en photo avec une barbe de trois jours (mais non, pas BHL ! Rhôôô les mauvaises langues !) Bah voilà, ceux-là, ils me gâchent le paysage, car une fois sur deux dans le métro je tombe sur quelqu'un en train de les lire et à tous les coups ça m'attriste profondément. Mais ils EXISTENT peut-être bien plus que les bons auteurs.

C'est un peu déprimant comme conclusion, non ? Bah tant pis, c'est fini :-)

*françaises, parce que, même si je l'oublie souvent, on cause de littérature "dans le texte", alors mes auteurs étrangers préférés, ils repasseront. Et puis je vais pas tout griller mon matos dans une seule chronique, non plus !

mercredi 30 mars 2011

Comment j'ai failli rester coincée au milieu d'un livre de Russel Banks

Pourfendeur de Nuages, qu'il s'appelle. Ceux qui lisent ici savent combien je suis raide dingue du monsieur. Il m'importait vraiment de lire ce gros roman historique d'un de mes auteurs favoris. D'autant plus qu'il m'était chaudement recommandé par des gens que j'apprécie, et que le sujet m'intéresse au plus au point (vie et mort de John Brown, premier et célèbre abolitionniste blanc aux Etats-Unis, juste avant la Guerre de Sécession).
Sauf que, voilà : j'ai ramé pour parvenir jusqu'au milieu du bouquin, pensant qu'à un moment ou un autre, l'intrigue allait "décoller", que ce rythme lambinant qui me rendait folle allait s'accélérer pour qu'on passe enfin aux choses sérieuses. J'ai cru que ça y était, plusieurs fois. Et puis non. Une fois posé le décor, ça continue, ça se répète, ça fait mine de creuser la psychologie des personnages, ça raconte des tas d'histoires sur les uns et les autres mais moi ça m'a surtout ennuyée.
Bah voilà. Ce que je vais vous dire maintenant, j'ai mis un peu de temps à l'accepter moi-même : je n'aime pas ce livre. Il me semblait bien que j'avais un penchant plutôt prononcé contre les romans historiques, mais là, ça se confirme...
Enfin ça m'a pris plusieurs mois - pauvre de moi qui ne lis que quelques pages par jour. Alors que Bret Easton Ellis, Marie N'Diaye, Column McCann et Dennis Lehanne m'attendaient bien sagement sur l'étagère. Si c'est pas malheureux !
Allez, à nous les Trois Femmes Puissantes !

mardi 1 mars 2011

Michel Houellebecq et la littérature contemporaine

En 2004, j'avais lu les Particules Elementaires, sans trouver ça très bon, mais avec un certain plaisir. J'y avais trouvé une amertume hors du commun et une certaine finesse d'écriture, et j'avais même cru partager quelques aigreurs avec le monsieur. Mais de là à trouver que c'était un vrai bon roman... non, quand même.
Et puis cette année, j'ai lu La Carte et le Territoire*. Et j'ai beaucoup aimé. Non seulement, j'ai aimé, mais je me suis dit que ce mec avait vraiment du talent, et en particulier celui d'ancrer son travail directement dans la réalité contemporaine, avec beaucoup d'habileté. Et je ne parle pas seulement de l'histoire, qui est tout à la fois : regard touchant sur les liens de filiation aujourd'hui, réflexion sur le marché de l'art contemporain et polar bizarroïde, (pas super bien ficelé mais pas raté pour autant). Je parle aussi de toutes ces excellentes idées qui font qu'on passe un bon moment : donner son nom à un personnage du roman, situer des personnalités réelles dans la fiction en les accablant d'attributs fictifs mais très drôles (Jean-Pierre Pernault est exceptionnel en visionnaire régionaliste homosexuel), décrire avec soin des tableaux imaginés de toutes pièces, mais qui en deviennent beaux tant ils prennent corps dans l'esprit du lecteur, et oser le grand bond dans l'anticipation à la toute fin du roman... Bref, il n'y a pas de quoi s'ennuyer chez ce Houellebecq-là.
Mais ça va au delà du simple plaisir de la lecture. Oui, c'est bien écrit. Oui, on passe un bon moment. Mais en plus de (tout) ça -et c'est comme ça que je comprends l'attribution du Goncourt- on dirait bien qu'un tel roman soulève plein d'interrogations, toutes justifiées, sur la société d'aujourd'hui : sur le matérialisme outrancier, la surconsommation, la spéculation sur l'art contemporain qui lui fait perdre tout sens, et aussi sur la question du bonheur envisageable, de la naissance de l'amitié et de l'échange qui reste possible entre les générations. Certes, Houellebecq est toujours aigri. Ma copine Blondie le trouve toujours aussi imbuvable et ne veut pas ouvrir un seul de ses bouquins. Mais il y a ce changement de regard, du cynisme radical et amer au cynisme pacifique et "humanisé" qui donne envie de le lire d'avantage.
A partir de là, est-ce qu'on peut parler de Michel Houellebecq et de la littérature contemporaine ? Il me manque une grosse partie de sa biblio pour en dire quelque chose de correctement étayé. Mais quand même, ce dernier roman vise juste, parce que justement il touche à tout et parvient à relier des sujets qui n'ont rien à voir a priori, et en donnant un image, très personnelle mais très "globale" de la société occidentale d'aujourd'hui. Et toucher à tout, relier ce qui n'a a priori rien à voir, et donner haut et fort son avis, même polémique, si ce n'est pas typiquement d'aujourd'hui, qu'est-ce que c'est ?

* En plus, c'est intelligent : n'oubliez pas de lire ici un petit résumé de la pensée de Korzybski, fondateur de la sémantique générale, dont le célèbre aphorisme a inspiré le titre du roman.