mardi 1 mars 2011

Michel Houellebecq et la littérature contemporaine

En 2004, j'avais lu les Particules Elementaires, sans trouver ça très bon, mais avec un certain plaisir. J'y avais trouvé une amertume hors du commun et une certaine finesse d'écriture, et j'avais même cru partager quelques aigreurs avec le monsieur. Mais de là à trouver que c'était un vrai bon roman... non, quand même.
Et puis cette année, j'ai lu La Carte et le Territoire*. Et j'ai beaucoup aimé. Non seulement, j'ai aimé, mais je me suis dit que ce mec avait vraiment du talent, et en particulier celui d'ancrer son travail directement dans la réalité contemporaine, avec beaucoup d'habileté. Et je ne parle pas seulement de l'histoire, qui est tout à la fois : regard touchant sur les liens de filiation aujourd'hui, réflexion sur le marché de l'art contemporain et polar bizarroïde, (pas super bien ficelé mais pas raté pour autant). Je parle aussi de toutes ces excellentes idées qui font qu'on passe un bon moment : donner son nom à un personnage du roman, situer des personnalités réelles dans la fiction en les accablant d'attributs fictifs mais très drôles (Jean-Pierre Pernault est exceptionnel en visionnaire régionaliste homosexuel), décrire avec soin des tableaux imaginés de toutes pièces, mais qui en deviennent beaux tant ils prennent corps dans l'esprit du lecteur, et oser le grand bond dans l'anticipation à la toute fin du roman... Bref, il n'y a pas de quoi s'ennuyer chez ce Houellebecq-là.
Mais ça va au delà du simple plaisir de la lecture. Oui, c'est bien écrit. Oui, on passe un bon moment. Mais en plus de (tout) ça -et c'est comme ça que je comprends l'attribution du Goncourt- on dirait bien qu'un tel roman soulève plein d'interrogations, toutes justifiées, sur la société d'aujourd'hui : sur le matérialisme outrancier, la surconsommation, la spéculation sur l'art contemporain qui lui fait perdre tout sens, et aussi sur la question du bonheur envisageable, de la naissance de l'amitié et de l'échange qui reste possible entre les générations. Certes, Houellebecq est toujours aigri. Ma copine Blondie le trouve toujours aussi imbuvable et ne veut pas ouvrir un seul de ses bouquins. Mais il y a ce changement de regard, du cynisme radical et amer au cynisme pacifique et "humanisé" qui donne envie de le lire d'avantage.
A partir de là, est-ce qu'on peut parler de Michel Houellebecq et de la littérature contemporaine ? Il me manque une grosse partie de sa biblio pour en dire quelque chose de correctement étayé. Mais quand même, ce dernier roman vise juste, parce que justement il touche à tout et parvient à relier des sujets qui n'ont rien à voir a priori, et en donnant un image, très personnelle mais très "globale" de la société occidentale d'aujourd'hui. Et toucher à tout, relier ce qui n'a a priori rien à voir, et donner haut et fort son avis, même polémique, si ce n'est pas typiquement d'aujourd'hui, qu'est-ce que c'est ?

* En plus, c'est intelligent : n'oubliez pas de lire ici un petit résumé de la pensée de Korzybski, fondateur de la sémantique générale, dont le célèbre aphorisme a inspiré le titre du roman.

1 commentaire:

  1. Houellebecq est représentant d'une littérature actuelle, pas de la...

    Pour avoir tout lu de lui: il est bougrement génial dans ses deux premiers romans: Extension du domaine de la lutte et les particules...Parce qu'il a une vision de la vie assez "juste". Plateforme son troisième bouquin est pas mal non plus, même si il part sur un autre domaine de la "lutte"...Le suivant "la possibilité d'une île" est lamentable! Il se traine, il est pathétique et surtout il n'y a rien dedans, que du vide...
    Et puis la carte ou Houellebecq, comme tu le dis est un peu assagi...Franchement il est représentatif de ce XXIème siècle sans espoirs je trouve..Une vision désabusée de la vie, la solitude, le célibat, les rapports humains...Tout est marchandise dans son monde, l'amour, la joie, la tristesse, le sexe...et l'humain se perd dans ça..Une vision que je partage ceci dit..

    A lire aussi ses poèmes...

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