samedi 27 janvier 2018

Poulpe ?

 (voirécouter ce texte en vidéo ? c'est ici !)



C’est l’histoire d’un type tellement étourdi qu’il jetait son portefeuille à la poubelle et rangeait consciencieusement le papier gras de son sandwich dans sa poche.

...

C’est l’histoire d’un type pas très net qui se demandait parfois s’il existait franchement.

...

C’est l’histoire d’un type qui trouvait les oiseaux cons. Alors il a pris un chat.

...

C’est l’histoire d’un type qui fait des allers-retours raides et rapides devant l’arrêt de bus. Comme c’est agaçant et que le bus est arrivé vite, quelqu’un l’a poussé.

...

C’est l’histoire d’un type qui raconte l’histoire d’un type et qui se demande si ça peut avoir une fin.

...

C’est l’histoire d’un type qui se promène en se frottant les mains vite-vite-vite, et des gens se retournent à son passage. Apparemment, ce type est le frère de celui qui faisait des allers-retours devant l’arrêt de bus. 
(Note : il devrait faire gaffe.)

...

C’est l’histoire d’un type fou amoureux d’une fille assez folle. C’est une histoire assez triste.

...

C’est l’histoire d’un type qui est un poulpe, et la fille assez folle tombe amoureuse de lui, mais on ne sait pas pour combien de temps.


(Note : l’histoire ne dit pas comment on se transforme en poulpe.)

...

C’est l’histoire d’un poulpe qui en a assez de vivre au fond de la mer. Alors il attrape le pied d’une fille qui passe à l’horizon, et il se trouve que cette fille est folle.

...

C’est l’histoire d’un homme qui se demande ce qu’il ferait, s’il était un poulpe, d’une fille à moitié folle. Et qui plus est au fond de la mer.

...

C’est l’histoire de ce type qui rêvait d’être un poulpe. Il était tout habillé sur la plage et soudain la nuit s’est couchée sur lui.

Il était tout habillé sur la page et soudain l’histoire s’est couchée sur lui.

...

C’est l’histoire du type de l’histoire. Il se réveille le matin, il est tout habillé, ses poches sont pleines de sable humide et il se demande pourquoi.

...

C’est l’histoire d’une type qui se promène sur la grève en ressassant de vieux rêves. Dont certains avec des tentacules.

...

C’est l’histoire d’un type qui pleure. Il entre dans les vagues en pensant qu’il aurait pu épouser une pieuvre.

...

C’est l’histoire d’un type qui se demande. 
Qui se demande s’il aurait du épouser l’histoire. 
Lorsqu'elle s’est couchée sur lui.


C’est une histoire pas si drôle de ça. Une histoire de poulpe, de folie et d’océans.

C'est une histoire qui pleure. C'est une histoire qui pieuvre

...

(Note : il paraît qu’on n’a pas revu le type aux poches de sable.)

     Crédit photo : @jules_air



vendredi 26 janvier 2018

Ce son là

NUIT

Le grognement du bus.
Les volets qui grincent et grincent et susurrent milles phrases ininterprétables
Et jamais ne claquent.
Le sommeil intraitable
Et l’homme
Qui ronronne

Ce son qui n’est plus là

« C’est dur de se détacher par habitude »
Et aussi de faire le portrait d’un oiseau
Surtout en pleine nuit.

MATIN

« Qu’est-ce qui s’envole en premier ? »
« Qu’est-ce qui est jaune et qui... »

Ce son. Qui n’est plus là

Et le soupir du camion qui pompe
En tressaillant sur ses pieds-pneus
La trompe pleine
« On dirait un éléphant ! C’est quoi dans l’trou ? »

Et ce son qui n’est plus là.

GRAND JOUR

Le rayon franc qui brûle la peau
Lumière en trop. Filtrée à travers peau
Là où le battement est si proche.
Grosse caisse molle et prometteuse
Est-ce que son ventre étouffe le cri des pneus sur la route ?
Est-ce que le son de son sang prend le dessus dans son dedans ?

Ce son qui n’est plus. Là.

SOIR

Les « papa » qui t’appellent dans la rue.
Comme si le temps n’était pas passé.
Le lapin en peluche a préféré se taire.

Et ce son. Qui vient. Là.


dimanche 14 janvier 2018

Là où il faisait chaud

Il y a un cœur en béton armé dans le frigo.
Il y a un cœur en béton armé dans.
Il y a un cœur en béton.
Il y a un cœur.

Il est comme le patient camouflé.
Tu ne peux pas ignorer sa tendresse de métal.
Tu ne peux pas ignorer.

Même dans une belle maison.
Même dans une belle.

Vas-y, je t’en prie. Emprunte doucement ces couloirs. Ses couloirs.
Mes couloirs.
Moi, je plonge. Sans visage.

Peut-être plus tard nous prendrons des sentiers ruisselants de lierre.
Ruisselants de terre.
Parce qu’au fond de l’eau, il fait moins chaud.


Et dans l’ombre morte, tu toucheras du bout de la langue mon petit nez givré.




14 janvier 2018, à partir d'une proposition de NatYot