Parfois tu as un coup de foudre amoureux, le plus souvent illusoire. Parfois un livre te parle, à toi seul, en direct. S'engage alors une conversation intérieure et silencieuse qui te propulse dans une relation intime avec l'auteur. C'est un coup de foudre littéraire, tellement rare et précieux. Le livre que je viens de dévorer en quelques jours, comme par hasard au moment de quitter Paris pour aller vivre bien plus loin, au bord de la France, le livre que je viens de refermer est de ceux qui me font un effet bœuf. Oui, c'est une expression étrange pour un livre. Elle conviendrait mieux pour un homme. Mais ce qu'il suscite en moi n'a rien de délicat ou de tendre. Et sangloter discrètement dans un TGV estival et morne n'était que la manifestation visible d'une secousse plus profonde. Comme si c'était le livre qui me manquait pour recommencer à écrire, le livre qui fait le pont entre des éléments épars, des morceaux de moi toujours à ramasser, rassembler, recoller, indéfinim
ent. Parce qu'il jette une passerelle de toute justesse entre le social et le psychisme, les déterminismes et le libre-arbitre, la politique et la littérature ; sorte de pont de singe bringuebalant, lumineux et vertigineux à la fois, qui m'est indispensable pour traverser la vie, et surtout pour retrouver le sens de mon travail d'écriture. La voix qui porte ce roman, une mélancolie presque candide et ce niveau d'angoisse feutrée que je partage tellement ces derniers temps, fait que j'entretiens une relation d'abord charnelle avec ce livre, parce qu'il prend aux tripes et ressuscite une passion enfouie, un émoi oublié, des raisons profondes d'écrire, sous la forme de sensations plus que de pensées. Une attirance électrique pour cette écriture fluide, ce rythme si parfait qu'il semble facile, quand justement son évidence est à la mesure du travail qu'il nécessite. Une envie terrible de faire pareil, et sans doute pas mal de jalousie. Une espèce de répulsion aussi, devant ce que provoque la littérature, dans les âmes et dans la vie, ce fossé qui se creuse entre l'écrivain et sa vie, dit sans tendresse, dans toute sa brutalité crue. Quelque chose qui m'apparaît souvent comme autant d'obstacles à mon propre travail. Une ambivalence complète, entre rejet et empathie pour ces personnages, rêvés ou bien réels, d'écrivains torturés, nécessairement hors du monde, que dans la vie je méprise autant que je les comprends. Que je fuis autant que je crains d'en être. Olivier Adam fait remonter l'angoisse, celle qu'on enseveli sous des montagnes de projets, d'activités, d'amis, celle de l'enfant debout au bord de précipice, du vertige de ceux qui passent leur vie à tourner autour d'un gouffre intérieur et insondable.
Les lisières est un roman splendide et triste et douloureux, un roman haletant, tenu avec une endurance à la fois diabolique et merveilleuse. La littérature française d'aujourd'hui -et moi- avons bien besoin d'Olivier Adam, qui réalise une synthèse rêvée entre Djian, pour l'écriture, Banks, pour l'univers, et Carrère, pour le côté story teller talentueux. Ma génération avait besoin de son Annie Ernaux, version mâle, nostalgique. Et un peu punk. Sur les bords au moins. En lisière.
ent. Parce qu'il jette une passerelle de toute justesse entre le social et le psychisme, les déterminismes et le libre-arbitre, la politique et la littérature ; sorte de pont de singe bringuebalant, lumineux et vertigineux à la fois, qui m'est indispensable pour traverser la vie, et surtout pour retrouver le sens de mon travail d'écriture. La voix qui porte ce roman, une mélancolie presque candide et ce niveau d'angoisse feutrée que je partage tellement ces derniers temps, fait que j'entretiens une relation d'abord charnelle avec ce livre, parce qu'il prend aux tripes et ressuscite une passion enfouie, un émoi oublié, des raisons profondes d'écrire, sous la forme de sensations plus que de pensées. Une attirance électrique pour cette écriture fluide, ce rythme si parfait qu'il semble facile, quand justement son évidence est à la mesure du travail qu'il nécessite. Une envie terrible de faire pareil, et sans doute pas mal de jalousie. Une espèce de répulsion aussi, devant ce que provoque la littérature, dans les âmes et dans la vie, ce fossé qui se creuse entre l'écrivain et sa vie, dit sans tendresse, dans toute sa brutalité crue. Quelque chose qui m'apparaît souvent comme autant d'obstacles à mon propre travail. Une ambivalence complète, entre rejet et empathie pour ces personnages, rêvés ou bien réels, d'écrivains torturés, nécessairement hors du monde, que dans la vie je méprise autant que je les comprends. Que je fuis autant que je crains d'en être. Olivier Adam fait remonter l'angoisse, celle qu'on enseveli sous des montagnes de projets, d'activités, d'amis, celle de l'enfant debout au bord de précipice, du vertige de ceux qui passent leur vie à tourner autour d'un gouffre intérieur et insondable.
Les lisières est un roman splendide et triste et douloureux, un roman haletant, tenu avec une endurance à la fois diabolique et merveilleuse. La littérature française d'aujourd'hui -et moi- avons bien besoin d'Olivier Adam, qui réalise une synthèse rêvée entre Djian, pour l'écriture, Banks, pour l'univers, et Carrère, pour le côté story teller talentueux. Ma génération avait besoin de son Annie Ernaux, version mâle, nostalgique. Et un peu punk. Sur les bords au moins. En lisière.
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