Je m’installe à la table du salon pour écrire. La journée a
été harassante. Je suis incapable de lire Jean-François Lyotard
dans cet état. Je n’ai pu pratiquer le macramé depuis ce matin.
Je monte dans la voiture. Je me regarde dans le rétroviseur et je me
rends compte que ma bouche se trouve au milieu de mon front et mon
nez à l’intérieur de mon menton. La journée à été harassante.
Les perruches gigotent et me démangent fortement. Elles ne se
satisfont plus de la nourriture pour perruches, elles réclament des
croquettes pour chien. Elles s’agitent de plus en plus. Je suis
dans le Parc, je marche au bord de la mare. Les grenouilles coassent
bruyamment. Elles sautent de nénuphar en nénuphar en chantant des
refrains de chansons paillardes. Les perruches rient aux éclats,
leur agitation me donne des douleurs lancinantes. J’emprunte la
passerelle qui traverse la mare. Je suis dans la voiture. Pendant que
nous roulons sur l’autoroute A9, alors que nous passons à
proximité d’un magasin de croquettes pour chiens, les perruches se
mettent à pousser des cris féroces, puis sortent de mon corps et
volettent au hasard dans l’habitacle. Elles ne se calment que quand
j’allume la radio, France Culture. Dès que j’éteins, elles
recommencent à voler n’importe comment. L’espace est trop exigu
pour trente-quatre perruches déchaînées. Elles se prennent les
pattes dans mes cheveux, c’est embêtant pour conduire. Cela
demeure dangereux même si certaines portions de l’autoroute A9
sont désormais limitées à quatre vingt dix kilomètres par heure.
J’essaie de les attraper mais cela ne les calme en aucune façon,
je fais de grands gestes qui m’amènent à faire des zigzags sur
l’autoroute. La situation est on ne peut plus dangereuse. Seule
France Culture semble les apaiser. Je fais le test à plusieurs
reprises : j’éteins la radio, elles se livrent à un ballet
désordonné, incompatible avec la conduite autoroutière. Je rallume
France Culture, elles reviennent instantanément nicher dans mon
corps, qui est désormais percé de nombreuses petites cavités.
C’est un documentaire sur la fin du monde, elles ont l’air
d’apprécier énormément. Elles finissent par s’endormir une par
une. Je peux conduire tranquille. Je suis debout au bord de la mare,
les grenouilles font un raffut de tous les diables et les perruches
s’agitent. Il n’y a personne à l’horizon. Je m’enfuis à
toutes jambes. Deux pipistrelles viennent tournoyer autour de ma tête
et se prennent les ailes dans mes cheveux. Je hurle et me débat. Mon
médecin arrive. Il me donne des croquettes pour chien. Je me calme.
Je suis assise sur un nénuphar, je dévore les pages d’un livre de
Pierre Barrault pour faire passer le goût des croquettes pour chien.
Mon médecin m’explique que mes vertèbres ont pris la forme des
becs des perruches. Rassurée, je me pelotonne sur le nénuphar et
m’endors profondément. La journée a été harassante.
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