Ce soir je suis calme. Tout s'apaise peu à peu. Je suis dans mon
lit, je suçote le u de boulangerie, son goût de chocolatine chaude.
Les perruches dorment dans leurs grottes. Je suis toujours dans
l'intestin du tapir. Pierre Barrault a quitté son fauteuil. Mon
nénuphar est une palette en bois brut vêtue d'un plaid vert, on
dirait la peau d'un martien. Les parois sont couvertes d'une
végétation sous-marine multicolore qui ondule dans le courant
d'air. Je me demande d'où vient ce courant d'air. Je lève mon
museau et me redresse sur mes pattes avant car je sens une odeur
étrange, que je n'ai jamais sentie auparavant. Quelque chose me dit
que nous arrivons dans un domaine inconnu, sans doute celui de Cron.
Je coasse pour attirer l'attention, au cas où. Le camion s'arrête
brutalement. Les perruches s'ébrouent. Pierre Barrault se retourne.
Son visage est méconnaissable. Je coasse plus fort. Je me lève. En
étirant le b de boulangerie j'obtiens une corde aussi solide que du
boyau de chat. J'attache solidement Pierre Barrault à son fauteuil.
J'attends patiemment. J'aboie un peu pour faire passer le temps, ou
les kilomètres. Pierre Barrault ne dit rien, il me toise. Je conduis
le camion. Je suis le grand chien rouge assis à côté de moi. Je
suis le grand chien rouge qui surveille Pierre Barrault attaché à
l'arrière du camion, dissimulé sous un plaid vert martien.
Krastaner apparaît sur le bord de la route. Il nous fait signe de
garer le camion sur la bande d'arrêt d'urgence. Je saute du camion
et lui fais la fête en jappant joyeusement et en bavant abondamment
sur son costume. Je descends du camion et j'obéis à l'ordre qu'il
me donne d'ouvrir le container dans lequel est caché Pierre
Barrault. Il fait un tour dans l'intestin du tapir en tordant un peu
son museau noir et blanc dans différentes directions. Le blaireau a
l'odorat fin, chacun sait ça. Pourtant, il ne repère pas Pierre
Barrault. Les perroquets mauves sont silencieux, à l'exception du
plus jeune qui gémit sur l'air de l'Internationale au moment où
Krastaner-Blaireau descend du camion. Il se retourne brièvement mais
je jappe plus fort et lui mordille le petit doigt de la main droite,
détournant son attention.
Nous sommes provisoirement tranquilles.
Nous sommes provisoirement tranquilles.
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