dimanche 19 mai 2019

Artalburite #4

22/05/19

Ce soir je suis calme. Tout s'apaise peu à peu. Je suis dans mon lit, je suçote le u de boulangerie, son goût de chocolatine chaude. Les perruches dorment dans leurs grottes. Je suis toujours dans l'intestin du tapir. Pierre Barrault a quitté son fauteuil. Mon nénuphar est une palette en bois brut vêtue d'un plaid vert, on dirait la peau d'un martien. Les parois sont couvertes d'une végétation sous-marine multicolore qui ondule dans le courant d'air. Je me demande d'où vient ce courant d'air. Je lève mon museau et me redresse sur mes pattes avant car je sens une odeur étrange, que je n'ai jamais sentie auparavant. Quelque chose me dit que nous arrivons dans un domaine inconnu, sans doute celui de Cron. Je coasse pour attirer l'attention, au cas où. Le camion s'arrête brutalement. Les perruches s'ébrouent. Pierre Barrault se retourne. Son visage est méconnaissable. Je coasse plus fort. Je me lève. En étirant le b de boulangerie j'obtiens une corde aussi solide que du boyau de chat. J'attache solidement Pierre Barrault à son fauteuil. J'attends patiemment. J'aboie un peu pour faire passer le temps, ou les kilomètres. Pierre Barrault ne dit rien, il me toise. Je conduis le camion. Je suis le grand chien rouge assis à côté de moi. Je suis le grand chien rouge qui surveille Pierre Barrault attaché à l'arrière du camion, dissimulé sous un plaid vert martien. Krastaner apparaît sur le bord de la route. Il nous fait signe de garer le camion sur la bande d'arrêt d'urgence. Je saute du camion et lui fais la fête en jappant joyeusement et en bavant abondamment sur son costume. Je descends du camion et j'obéis à l'ordre qu'il me donne d'ouvrir le container dans lequel est caché Pierre Barrault. Il fait un tour dans l'intestin du tapir en tordant un peu son museau noir et blanc dans différentes directions. Le blaireau a l'odorat fin, chacun sait ça. Pourtant, il ne repère pas Pierre Barrault. Les perroquets mauves sont silencieux, à l'exception du plus jeune qui gémit sur l'air de l'Internationale au moment où Krastaner-Blaireau descend du camion. Il se retourne brièvement mais je jappe plus fort et lui mordille le petit doigt de la main droite, détournant son attention.
Nous sommes provisoirement tranquilles.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

N'hésitez pas à commenter ce texte... La parole vous est donnée : saisissez-là !