De quelque temps déjà,
Je m'abreuve à la pluie de vos rires incarnats.
Des chaussons délaissés dorment sur les tapis
Et des tas de babioles peuplent mon univers.
Vos cheveux de bataille m'ébouriffent le cœur
Et votre tiède odeur nourrit jusqu'à mes rêves.
Je vous vois, pierres précieuses, vous jouer de mes ruses,
Je lis dans vos orages l'urgence du plaisir.
Il me faut taire en vous cette folie soudaine
Et rendre la vie belle, et piquante, sans taire
Ni les doutes, ni la mélancolie.
Les journées se rassurent en plastique coloré.
Cinq heures.
Une vieille chips molle me lorgne d'un œil torve
Au coin du canapé.
Vous nourrir bien sûr : pour voir pousser vos corps
Et embrasser vos bosses hurlantes et insolites.
Quel jardinage étrange !
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Et la nuit vient enfin.
Avec elle son cortège de mousses et de bruits d'eau.
La chute inéluctable du verre à dents, le soir,
Au coin des lavabos.
Les doigts collants du miel des géants de trois ans,
Les baisers tout mouillés, qui disent un amour fou,
Et de vos dents têtues la bousculade aiguë
Qui déjà se termine.
Car enfin vous dormez, petits princes sauvages !
Du bien juste sommeil de ceux qui s'abandonnent
Naïfs et étourdis par des journées trop pleines.
Vos épaules paisibles, vos nuques ensuquées,
Vos pieds marbrés et doux, et vos paupières obscures,
Font un Guernica tendre et plein de vos espoirs.
Et nos nuits se ravagent de vos courses nocturnes.
Vos cauchemars étalés dans nos bras endormis,
Rendent la nuit vivante et découpent le jour.
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L'éclair d'une innocence à ravir vous sied.
Vos yeux se tachent de jaune, comme les miens sont oranges.
Et vous prenez les traits d'un qui m'a kidnappée
Il y a bien longtemps, et pour longtemps j'espère.
Je pleure moins souvent de rire à vos jeux de mots.
Vous grandissez, hélas...
Foin des biberons et poudres ! Mais un parterre de feutres
Et crayons de couleur fleurit dans la maison.
Vos chameaux de passage, caravane hors du temps,
Noient les heures improbables et éclairent mes rides.
Parfois un escargot tranquille, à peine poussif
Vous regarde jouer d'un air guilleret.
L'herbe verte s'enchante de vos cris de mésanges.
Mon souffle s'obscurcit quand j'entrevois soudain
Les monstres et les monstresses que recèle le monde.
Pourtant il faut bien vivre, et vous faire courir,
Pour que vos innocences s'accrochent à la treille
D'un univers tangible.
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Deux elfes, roux et blond, se battent comme des lionceaux.
Et pourtant il y a tant d'humanité entre eux
Que même les fourmis y perdent leur latin.
Vous faire voir les nuages, les plus blancs, les plus gris.
Vous suivre dans un monde où vous conduisez tout :
Des trains et des troupeaux, des loups et des camions,
Des iguanodons fous et même des mappemondes !
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J'aime votre colère devant le temps qui passe !
Mais la clepsydre fauve pourtant nous a à l'œil :
Bientôt vous grandirez, laissant-là les chaussons,
Les chameaux impuissants, et les escargots tristes.
Un jour des belles viendront, quand vos joues fleuriront...
Il ne restera plus qu'à regarder partir
Deux anges grandis et fiers chevauchant, intrépides,
Sur les chemins mouvants, opaques, parfumés,
Qui font mes cendres.
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