Si vous aimez Russel Banks, vous aimerez sans doute celui-là. Si vous ne l'aimez pas, vous le découvrirez sous son angle le plus profond, le plus philosophique, le plus "ethnologue en voyage".
Le narrateur (l'auteur, à peu de choses près) raconte sa découverte de la Jamaïque, d'abord pour études, puis pour s'y installer, s'y faire des amis, des ennemis, et surtout y vivre une aventure qui le changera de la cave au grenier. Dès le premier séjour, il ne pense qu'à y retourner, en même temps qu'il rejette violemment l'attitude des blancs (ceux là-même qui "l'introduisent" en Jamaïque) qui se payent des villas de luxe sur les hauteurs, pendant que les jamaïquains vivent dans la misère, dans les villages. Peu à peu, son intérêt, doublé du conflit intérieur qui le torture, tourne à l'obsession et le conduisent à repousser ses propres limites.
Tout commence par un constat pénible : la peur qui s'empare de lui quand il entre en "pays cockpit" pour aller à la rencontre de Marrons, ancêtres des esclaves africains débarqués en Jamaïque deux siècles plus tôt, cette peur panique, sous-tendue par une extrême méfiance, est aussi une peur du Noir, de l'étranger. Dur de se confronter à son propre racisme pour ce jeune universitaire américain...
Le pays cockpit, région très montagneuse, peuplée uniquement par les Marrons. Ils se sont installés là lorsqu'ils ont réussi à fuir leurs maîtres esclavagistes. Au vu de l'image de sauvages sanguinaires qu'il se trimballaient, et de l'extrême hostilité de leur région, les blancs les ont laissé tranquilles. Si l'on cherche pays cockpit sur le net, on trouve très, très peu de choses : quelques trucs de géologues, et Wikipédia qui ne cite que Russel Banks. Bref, c'est une région très reculée, inaccessible pour le commun des mortels. Mais ce narrateur-là n'est pas le commun des mortels, et c'est pour ça qu'on l'aime !
Au passage, Marron signifie "retourné à l'état sauvage". C'était le nom donné aux cochons qui partaient vivre dans la nature (ils "marronnaient"), transposé aux esclaves. Ça teinte tout de suite ce terme d'une belle dose d'abomination, non ?
Pour le reste, je vous laisse découvrir l'Histoire, petite et grande, d'un village cockpit, assis sur l'épaule de Johnny-Russel Banks. Optimistes béats, s'abstenir.
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