jeudi 21 mai 2015

Gaïa Mirador, née en juin 2008 à Mexico, de sexe féminin


Je suis une petite fille je suis un animal de la rue.
Se battre c'est tous les jours survivre et manger prendre aux autres pour vivre et souffrir moins.
Pour moi les tranchées c'est le trou qu'on creuse pour mettre les morts emmêlés dedans.
La guerre c'est creuser un grand trou et m'enfouir dedans dormir au plus profond du ventre du sol me cacher disparaître vomir la peur et souffrir moins.
J'ai besoin d'un abri pour échapper aux brûlures sur ma peau et au feu qui pique mes yeux.
Vendre plus que les autres et recevoir un sourire un regard brillant avec des dents blanches et un morceau de pain.
Dans mon pays je suis une au milieu des autres chats et chiens errants à la poursuite d'un peu de paix d'un répit qui ne vient pas d'une trêve qu'on attend toujours.
Je viens de manger un morceau de viande que personne animal ou humain n'avait repéré ça me chauffe et ça gargouille mon estomac comme le gros hélicoptère qui est passé l'autre jour.
J'ai froid et faim parce que l'humidité glace jusqu'à mes cheveux et qu'il n'y a personne contre qui dormir.
Je suis avec cette petite robe rouge que j'ai trouvé là-haut. Elle brillait d'un feu intense et puis maintenant voilà ! Mouillée mangée par la terre elle est moite et fade assombrie par les jours.
Ne pas faire la guerre c'est manger des glaces au bord de la mer et sentir le vent salé sous mes aisselles.
Pour moi la liberté c'est courir et crier tous ensemble.
J'aime rire quand il fait soleil.
Pour moi la défaite c'est quand je perds une chaussure et que mon orteil s'accroche à la pierre.
Une guerre idéale ce serait une journée où je trouve de la viande cuite et un vivant contre qui sommeiller.
Je cherche à remplir mon estomac et mon corps et la sombre tristesse le soir quand je m'endors et que tout me manque sans que je puisse même imaginer ce qui pourrait être doux et chaud et sucré.
Leur monter dessus leur casser les doigts et mordre la peau de leur dos avec mes dents dures.
Ma mémoire est un sac de terre lourde qui colle à mes pieds nus et ralentit ma fuite.

Ce texte est le fruit d'un atelier d'écriture animé par Emmanuelle Malhappe (merci à elle) en novembre 2014, et proposé par Ascaé (association de soutien, de conseil et d'accompagnement à l'écriture). Il a ensuite été lu lors d'une déambulation théâtrale au Chai du Terral à Saint Jean de Védas pour commémorer la première guerre mondiale.

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