dimanche 17 juin 2018

Le fantasme d’écriture-tout, ou la complexion du hamac

Dimanche. Lire le blog d'Anne Savelli et réfléchir à l'atelier d'été du Tiers Livre. Penser qu'on pourrait arrêter de vivre, seulement survivre, et puis écrire tout, ce qui a déjà été vécu, le sensoriel de la survie en cours, rien que ça, et aussi ce qu'on rêve, imagine, pense, extravague. On pourrait devenir juste un œil, des oreilles, une peau et des doigts, ça suffirait pour écrire à plein temps l'expérience d'être simplement au monde, sans rien faire d’autre. Aurait-on seulement le temps ?



Rien dans le langage pour épuiser la perception du réel. C'est sans espoir. Autant vivre avec l'incommensurable à son côté.


Voilà ce que je me disais cet après-midi en allant m'installer dans le hamac sous le palmier avec des écouteurs, un endroit tellement confortable et protecteur – je m'y sens comme dans le ventre de l'arbre, ses palmes retombantes me font une cabane au toit vert et mouvant qui laisse entrevoir des éclats de ciel et de nuages, parfois mes yeux hésitent, se demandent s'il y a un reflet mais non c'est juste la lumière qui traverse, avec les écouteurs les bruits du dehors parviennent tout atténués à mes tympans et pourtant j'entends bien le chant des oiseaux – lieu qui ne tardera pas à devenir un oloé... Je me disais, donc, cela. Et puis j'écoutais un podcast de France culture, la suite dans les idées, où Kenneth Goldsmith parle de son livre avec
Franck Leibovici, et l'émission s'est emmêlée avec des rêves pris dans le bercement du hamac et des idées – que j'avais eues il y a peu en retranscrivant une série d'entretiens effectués pour le boulot – comme quoi c'était une drôle d'école à écriture de dialogues, cette aventure de la transcription de la voix, qui nous met en intimité avec la langue de l'autre, avec sa manière propre de ponctuer le langage, avec le ressac de sa pensée et cette façon singulière d'organiser la signification du monde. Alors là, égarée entre des lambeaux de rêves, les paroles de Kenneth Goldsmith en double – français et anglais – et le balancement quasi-utérin du hamac, j’ai pris le temps de ne pas écrire.

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